Les campagnes de reforestation sont aujourd’hui très en vogue en étant inscrites au cœur de bon nombre de stratégies RSE des entreprises. Planter des arbres pour compenser son empreinte carbone paraît être un bon moyen pour les entreprises polluantes de regagner un public en quête de consommation “responsable”.
Pour fêter ses 10 ans d'existence, la société VINCI a lancé en 2010 une grande opération : pour chacun de ses 180 000 salariés, un arbre était planté par son partenaire PUR Projet en Thaïlande, au Maroc, en Indonésie ou au Pérou.
Parfois, c’est aussi tout le business de l’entreprise qui est engagé dans cette dynamique de reforestation. Ainsi, le concept de l’entreprise Faguo est de créer des chaussures durables. Pour chaque pièce FAGUO confectionnée, un arbre est planté en France. En dix ans d’activité, la politique de piégeage carbone a permis à Faguo de compenser plus de 100% des émissions de CO2. En effet, grâce au phénomène de photosynthèse, les arbres séquestrent en moyenne 7 kg équivalent de CO2 par an, et 1000 kg éq de CO2 dans toute leur vie. Un produit FAGUO émettant en moyenne 6 kg éq de CO2, les émissions de Faguo sont plus que compensées. L’entreprise dispose ainsi de 270 pépinières réparties sur toute la France et accessibles au grand public.
Ainsi, les politiques RSE (responsabilité sociale des entreprises) de nombreuses entreprises s’orientent progressivement vers les campagnes de reforestation.
L’expansion du marketing vert
La plupart des marques font appel à des entreprises spécialisées dans les projets de reforestation, qui se chargent de faire la médiation entre financeurs, pépiniéristes et gestionnaires sylvicoles.
Reforest'action en est un exemple. L’entreprise finance des projets de restauration (plantations par exemple) à partir de fonds privés, d’entreprises ou de particuliers.
La start-up EcoTree cherche à concilier production de bois et préservation de la biodiversité. La plateforme permet ainsi d’acheter des arbres de forêt destinées à la consommation de bois.
Les moteurs de recherche sont eux aussi au bénéfice de la nature avec Ecosia, qui reverse une part importante de ses bénéfices à la plantation d’arbres dans les pays du Sud.
Planter des arbres pour lutter contre l’addiction aux smartphones ? À première vue, cela semble incongru mais c’est ce que cherche à réaliser l'originale application Forest. Le concept est simple : l’utilisateur s’occupe d’une forêt virtuelle qui s’agrandit s’il parvient à respecter la durée programmée durant laquelle il ne doit pas utiliser son smartphone. La monnaie virtuelle gagnée ainsi sur le jeu permet par la suite de planter de vrais arbres.
Les bénéfices environnementaux de la reforestation sont-ils pour autant réels ? En effet, il est légitime de s’interroger puisque, les pays du Sud, qui sont les plus touchés par la déforestation, reçoivent aujourd’hui de nombreux financements de la part d’entreprises privées pour préserver des forêts ou restaurer des zones déforestées. Pour les entreprises, ces dotations n’ont pas qu’une finalité écologique puisqu’elles s’insèrent également dans le cadre de marchandisation des crédits carbone, appelé autrement “droits à polluer”.
Le danger du système REDD
Bien qu’il ne soit pas encore en vigueur sur le marché international du carbone, le système REDD (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) fait déjà débat. Très critiqué par de nombreuses ONG environnementalistes, il repose sur l’idée qu’il est possible de calculer la pollution évitée par un projet de reforestation ou de préservation d’une parcelle forestière. En réalité, ce calcul s’avère complexe et ne permet pas une évaluation fiable. Cherchant à obtenir une intégration de la REDD sur le marché international du carbone, des acteurs cherchent à développer le marché “volontaire” de ces crédits carbone forestiers, ce qui a conduit l’Europe a adopté un moratoire jusqu’en 2020. Cependant, beaucoup d’études scientifiques ont montré qu’il était impossible de générer de façon fiable des crédits carbone REDD”. Si le mécanisme REDD parvenait à aboutir, les entreprises ayant anticipé le mouvement pourraient revendre ces crédits au prix fort et générer d’importants bénéfices sans nécessairement chercher à réduire les émissions liées à leurs activités polluantes.
La solution : une reforestation chez soi ?
Ainsi, pour éviter le risque d’un détournement de la finalité environnementale, ne vaudrait-il pas mieux reforester chez soi ? Reforest’Action ne finance en France que des projets multifonctionnels, c’est-à-dire que chaque projet doit servir à renforcer le rôle économique, social et écologique de la forêt. Elle doit produire de l’emploi à travers le bois, renforcer la biodiversité, stocker du CO2, avoir un effet bénéfique sur le paysage, accueillir des visiteurs…
Rappelons quand même que la surface ne fait pas tout : si la déforestation n’est pas vraiment un problème en France, la « malforestation » (soit l’abandon pur et simple des forêts ou l’appropriation des services fournis par quelques-uns sans vision à long terme) en est un. Car tous les systèmes viticoles ne sont pas les mêmes : d’un côté, des plantations forestières envisagées comme de simples ressources à exploiter, de l’autre des forêts multifonctionnelles capables de satisfaire une grande diversité de services (dont la production de bois) sur peu de surface, des écosystèmes qui fonctionnement grâce à des interactions complexes, mais suivies et contrôlées entre arbres, animaux, micro-organismes du sol et humains.
Logiquement, les seconds systèmes, plus complexes, soutiennent la multiplicité des services offerts par la forêt et la biodiversité générale de l’écosystème, ils débordent ainsi largement une vision centrée sur la capture du gaz carbonique. Mais ils sont aussi moins “ marketables”
Reste donc à ce que les entreprises acceptent de ne pas financer des arbres, mais la gestion d’un écosystème complexe dont la temporalité et la fonctionnalité sont bien différentes de celles du marché du carbone.
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